« ..Elie monta au sommet du Carmel ; et, se penchant contre terre, il mit son visage entre ses genoux » 1 Roi 18 :42

Ce passage nous montre Elie dans une position pour le moins curieuse : le visage entre les genoux. Nous comprendrions encore si Elie s’était mis à genoux, les bras et le visage orientés vers le ciel, ou couché sur la face parlant, même en silence à son Dieu. Ces positions nous étant quasi-coutumières auraient suscité chez nous le moins d’étonnement, d’interrogation et de curiosité possible. Mais au lieu de cela, c’est le visage qu’il poste entre ses genoux. Pour singulière que soit cette attitude, elle n’est pas pour autant dénuée de sens biblique.

En effet, qu’est-ce le visage, sinon la face avant de la tête ? Or la tête est le lieu d’où émanent chez l’être humain les raisonnements qui, lorsqu’ils sont bien entretenus, nous mènent tout droit vers les inquiétudes, les soucis, et nous plongent dans une attitude qui questionne la foi. Ainsi, comme une plante dont la poussée normale est entravée par l’entrelacement solide des ronces, les préoccupations aux antipodes des impératifs chrétiens nous tiennent dans une relation où nous subissons des situations plutôt que d’en être des maitres attitrés.

A contrario, les genoux sont le symbole de la prière, une position par laquelle l’être humain, se dépouillant de lui-même et de toutes les considérations qui font l’apologie de la chair et le culte de la personne, s’incline devant la seigneurie de son Dieu.

Dans cette perspective, quel sens donner à la position d’Elie sinon que par la prière, un zoom qui nous fait entrer dans le royaume de Dieu et qui nous introduit dans sa sainte présence, il communiquait avec Lui sur éventuellement les soucis qu’il avait ?

C’est le lieu de dire que le chrétien n’est victorieux que par et dans la prière, une prière qui ne se cantonne pas à une récitation rapide de paroles tellement reprises qu’elles en deviennent galvaudées et perdent en sincérité, en authenticité. Il s’agit ici d’une prière profonde à l’image de celle que fit Jésus dans le jardin de Gethsémané et au cours de laquelle la sueur qui perlait sur son corps était devenu des grumeaux de sang. Avec des prières de ce niveau de profondeur, Dieu accorde des visions différentes.

C’est parce que Elisée était un tel homme de prière que sans que personne de la Syrie ne vint le lui rapporter, il était capable de savoir les paroles que le roi de Syrie prononçait dans sa chambre à son encontre et prenait des mesures qui infligeaient aux stratagèmes du roi un échec constant. (2 Rois 6 :12). C’est aussi parce que le prophète Achija, qui ne pouvait plus voir parce qu’il avait les yeux fixes à cause de la vieillesse, était de la même fibre de prière, que Dieu le mit au courant du déguisement que le roi Jéroboam fit faire à son épouse qu’il envoya vers lui consulter sur le sort de son enfant malade (1 rois 14 :5-6).

C’est dire que Dieu dote de l’esprit de vérité quiconque met son visage sur les genoux dans une démarche authentique de communion avec lui. En fait, ce qu’il attend en définitive de nous, c’est moins que nous lui cédions des portions de nous, de notre temps que de nous donner nous-mêmes entièrement à lui. Le culte qu’il juge raisonnable, c’est le don de nos corps comme des sacrifices vivants, saints et agréables (Romains 12 :1). C’est pourquoi Yannis Gautier, interprétant ce passage, écrit : « Aussi longtemps que nous résistons à l'idée de nous offrir à Dieu comme sacrifice vivant, nous ne pouvons prétendre suivre Christ….le seul sacrifice que Dieu accepte de notre part, c'est le moi tout entier. Cela sous-entend que tant que le "moi" règne encore sur nous, notre vie n'est pas encore pleinement livrée à Dieu ».

Puissions-nous comprendre et expérimenter cette dimension d’intimité à Dieu en commençant par un don entier de nous-mêmes à lui !

Bonne semaine sous le regard et la protection du Très-Haut !_